Il me semble tout d’abord important de rappeler, que dans notre société occidentale et dans l’inconscient collectif, quelqu’un de fort, ne montre pas ses émotions.
Il devient presque impoli de pleurer à l’enterrement de nos propres parents. De même, quand la coupe est pleine et que la tristesse ou la colère se manifestent, la plupart des personnes ressentent de la honte et cherchent par tous les moyens à justifier leur état d’être.
Cela induit le fait que de nombreuses personnes sont coupées de leurs émotions et n’en ont même pas conscience. Elles ressentent un malaise, un mal-être un peu incessant sans être capable de mettre des mots dessus. Elles font un déni d’émotions et leur vie semble un peu robotisée et enfermée dans une routine incessante. Le sens de la vie n’y est plus, l’intérêt non plus.
Ces émotions sont souvent compensées par une recherche de sensations ou un besoin exagéré de consommer à la recherche d’un plaisir immédiat. Malheureusement, ces besoins de sensations ou de plaisirs immédiats reste très éphémères et génèrent la plupart du temps une frustration importante ainsi que parfois une addiction à toutes sortes de plaisir. On cherche ici à combler ce manque profond d’émotions.
Ressentir de la jouissance sans y associer l’amour, c’est comme boire un bon vin pour l’ivresse sans en apprécier la saveur. Il manque quelque chose à la sensation. Il lui manque son émotion associée. La sensation reste perçue par nos sens alors que l’émotion se vit dans nos tripes et dans le cœur. La sensation nous laisse un sentiment de vide, de manque, de frustration alors que l’émotion nous remplit et nous permet d’être vivant.
Pourquoi est-ce alors si dur de vivre ses émotions ?
Simplement car il est irréalisable de vivre les émotions positives sans vivre les émotions négatives. Tout comme il est impossible de voir le jour sans voir la nuit, de voir le soleil sans voir la pluie… Être vivant, c’est se connecter à la palette totale de nos émotions. C’est accepter de ressentir notre souffrance pour pouvoir se connecter à notre joie. Si on se coupe de nos émotions, on peut effectivement se libérer de nos peurs : de la peur de l’autre, de ne pas être à la hauteur, la peur d’échouer, d’être rejeté, de ne pas être aimé, la peur des conflits… Mais on se coupe également de la joie, de l’amour, de l’espoir, du courage…
Les émotions sont l’expression de la vie qui s’exprime à travers nous. Les fuir, les refouler est un combat permanent avec nous-même. C’est un mensonge qu’on se raconte. Lorsque nous ne laissons pas l’émotion nous traverser, tout est bloqué en nous. On ne peut pas s’en libérer. Et plus on enferme l’émotion, plus elle risque de nous submerger.
Il n’y a pas réellement d’émotion négative. Chaque émotion a quelque chose à nous dire à propos de nous. S’autoriser à mettre des mots sur l’émotion, à la ressentir et à s’en libérer est le plus grand cadeau que nous puissions nous faire. Cela nourrit notre cœur et notre âme. Cela active le vivant en nous.
Exprimer sa colère, c’est arrêter de la ressasser et de la retourner contre soi. C’est exprimer son désaccord, c’est chercher à se faire entendre et à se faire comprendre. C’est se sentir dépourvu et vulnérable mais c’est aussi le moyen de se libérer de notre souffrance pour retrouver de la sérénité.
L’émotion nous remplit, nous fait voyager, rêver. Elle nourrit en nous le vivant. Elle nous fait traverser des tempêtes mais nous comble aussi de bonheurs et d’amour.
Alors vous êtes plutôt sensation ou émotion ?
Nathalie MOLENDI